mars, 2022

21mars(mars 21)12 h 30 min30avr(avr 30)21 h 00 minLa coopération spatiale mise à mal par l'invasion russe en Ukraine, rédigé par Philippe MarchalAssemblée générale MP 2020 et nouvel organigramme

Détails de l'évènement

La coopération spatiale mise à mal par l’invasion russe en UkraineRédigé par Philippe Marchal Impact de l’invasion de l’Ukraine par la Russie: annulation du lancement Oneweb et retour au hangar pour la fusée Soyouz. Crédit image: RoscosmosDe la coopération à la confrontation Traditionnellement, le secteur spatial a toujours été un modèle de coopération pacifique entre nations, au principal bénéfice de la science et de la technologie.Le programme de la Station Spatiale Internationale (ISS) en est l’exemple le plus emblématique et le plus concret, fruit d’une coopération internationale de près de 30 ans.

Malgré les menaces du patron de l’agence spatiale russe, il est peu crédible que la Russie mette en péril le bon fonctionnement de l’ISS. Pour mémoire, les Russes ont en charge son pilotage tandis que les Américains fournissent son énergie et son support vie.

On imagine mal la Russie prendre le risque de faire retomber l’ISS n’importe où sur le globe, y compris sur la Chine !, et chacun sait que le segment russe de l’ISS dépend autant du segment américain, et vice-versa. Enfin la NASA s’active à disposer de capacités autonomes de maintien en orbite de l’ISS avec les vaisseaux Cygnus de Northrop Grumman et Dragon de SpaceX, celui-ci assurant déjà les aller-retour d’équipages.

Il n’en reste pas moins vrai que la crise pourrait bien sonner le glas de la coopération spatiale occidentale avec la Russie, tant les mauvais coups s’accumulent.

 

L’accès à l’espace en question

 Le domaine des lanceurs est le plus immédiatement et le plus durement impacté.

La réponse russe aux sanctions économiques européennes a été de suspendre les lancements de Soyouz opérés par Arianespace, depuis le CSG ou depuis Baïkonour. Avec une capacité d’emport intermédiaire entre Ariane5 et Vega, les Soyouz étaient notamment utilisés pour le lancement de satellites de la constellation Galileo (« concurrent » européen du GPS américain). européen Copernicus.

Une dizaine de lancements étaient prévus cette année depuis Kourou, dont celui du satellite militaire français CSO-3, et des satellites Euclid (scientifique) et EarthCare (observation) de l’Agence Spatiale Européenne.

Mais surtout cette décision est un coup dur pour l’opérateur OneWeb, dont Soyouz était le « lanceur exclusif » au sein de la gamme Arianespace .

Elle oblige Arianespace à trouver une solution de repli, ce qui constitue un vrai casse-tête opérationnel autant qu’un coup dur commercial et financier. Car Vega a son carnet de commandes rempli, il ne reste plus que quelques Ariane5 déjà toutes réservées, et la transition vers Vega C et Ariane 6 que facilitait Soyouz reste encore très incertaine. D’autant plus pour Vega que les moteurs du 4ème étage (AVUM+) de Vega-C sont fabriqués en Ukraine dans un site bombardé par les Russes, et que la version Vega-E 100% européenne n’est pas finalisée, son premier vol n’étant attendu qu’en 2026 !

Dans la foulée, la Russie a également suspendu ses livraisons de ses moteurs RD qui équipent notamment les fusées américaines Atlas V et Antares, ces dernières servant à l’envoi des vaisseaux de ravitaillement Cygnus vers l’ISS.

 

Oneweb, la première victime

 Pour l’entreprise britannique d’internet satellitaire Oneweb, la problématique est particulièrement critique.

OneWeb, qui dispose déjà de 428 satellites en orbite, espérait avoir lancé les 220 autres qu’il lui manque encore pour être en mesure de couvrir la totalité du globe.

Il restait 5 lancements qui devaient tous être effectués en 2022 depuis Baïkonour, pour finaliser le déploiement orbital de la constellation. Et les vols seraient déjà payés…

L’entreprise ne dispose d’aucune alternative à court terme.

Ce coup d’arrêt pourrait mettre en péril la société Oneweb, qui avait pour objectif d’ouvrir commercialement ses services d’ici à la fin de l’année, et qui se voit de plus en plus distancée par son concurrent direct Starlink de SpaceX.

D’autant que les problèmes ne s’arrêtent pas là pour Oneweb, car si l’intégration des satellites est faite aux Etats-Unis, leurs moteurs sont fournis par la société russe Fakel. Et Oneweb pourrait bien ne jamais obtenir les moteurs nécessaires aux satellites restant à produire.

Le New Space européen n’est pas épargné non plus, car de nombreuses startups ont noué des partenariats avec l’Ukraine pour développer les moteurs de leurs futures fusées et vont inéluctablement devoir adapter leur stratégie.

Un triste symbole d’une coopération spatiale menacée :
l’effacement des drapeaux sur le lanceur Soyouz. Crédit image: Roscosmos

 

Exomars devra se passer des Russes

La science aussi ne fait pas exception, car les programmes scientifiques sont essentiellement menés en coopération.

La mission Exomars qui prévoyait d’envoyer en septembre un rover européen sur Mars, à bord d’un lanceur russe Proton devra encore attendre après avoir déjà été repoussée par deux fois en 2018 et en 2020. La Russie n’étant plus partenaire, il faudra trouver des alternatives de remplacement pour le lanceur et pour le module d’atterrissage du rover…pour un nouveau report en 2024, 2026 ? puisque les créneaux de lancement les plus favorables ne s’ouvrent que tous les 2 ans.

D’autres collaborations scientifiques liées à des missions vers la Lune ou vers Venus, sont aussi compromises.

On peut notamment citer :

  • la collaboration de Roscosmos avec la NASA pour le programme Venera-D, qui devait marquer le grand retour d’une sonde russe sur Venus, après une parenthèse de plus de 40 ans.
  • la participation de l’ESA au programme robotique Luna de grand retour de la Russie sur la Lune, où l’ESA devait fournir des équipements scientifiques dérivés du programme Exomars.

 

Comme un avion sans aile…

 L’Ukraine fournit les énormes avions cargo Antonov, qui acheminent une grande partie des satellites vers leurs sites de lancement. Ces avions basés aux environs de Kiev pourraient être indisponibles, endommagés, et leur trouver des solutions de remplacement ne sera pas chose facile.

En particulier, l’unique exemplaire de l’avion le plus grand du monde, l’AN-225 Mriya (« le rêve ») qui pouvait convoyer jusqu’à 250 t de matériel, a été entièrement détruit dans l’incendie de son hangar, après un bombardement russe dans la nuit du 24 au 25 février.

 

 

 

 

 

 

©Antonov/Flyrosta

 

L’option d’un conflit étendu à l’espace 

Depuis des années, la Russie a montré sa capacité de nuisance en orbite.

Elle en a fait la démonstration en 2021 en détruisant l’un de ses vieux satellites par un tir de missile. Celui-ci avait provoqué un nuage concentré de débris en orbite basse, à fort potentiel de perturbation pour le fonctionnement de  nombreux satellites stratégiques, comme ceux d’observation civils et militaires dont les images permettent de révéler en temps quasi-réel la réalité du conflit et l’état du terrain.

La Russie n’a pour l’instant pas décidé de s’attaquer aussi ouvertement à des satellites commerciaux des pays de l’OTAN…

Elle mise par contre sur des cyber-attaques contre des satellites servant à l’armée ukrainienne pour coordonner ses opérations militaires. L’un des premiers exemples a été la probable cyber-attaque du satellite civil américain de télécommunications Viasat, mettant hors service plusieurs dizaines de milliers de modem NordNet sur l’Europe et l’Ukraine.

Entre autres, plusieurs tentatives de brouillage de signaux de communications provenant de réseau satellites ont été détectées.

La Russie (comme la Chine) a toujours été dans le collimateur de l’Occident quand il s’agit de sécurité satellite, c’est ce qui a motivé la création de la Space Force aux Etats-Unis et du Commandement de l’Espace en France.

 

En conclusion,

 La guerre russe en Ukraine constitue aussi un tournant dans l’histoire de l’espace, qui jusque-là était un lieu-modèle de partenariats internationaux résistant aux tensions géopolitiques.

Des décennies de belles réussites de coopération volent soudain en éclats, créant un terrible gâchis scientifique, technologique et humain …

Souhaitons maintenant que cet « espace » de coopération ne se transforme pas à terme en un lieu d’affrontement.

 

 

Heure

Mars 21 (Lundi) 12 h 30 min - Avril 30 (Samedi) 21 h 00 min

Lieu

-

Organisateur

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